En Colombie, l’arepa n’est pas simplement un aliment : c’est une institution. Présente sur toutes les tables, à toute heure, elle accompagne le quotidien des Colombiens avec une simplicité réconfortante et des saveurs profondément enracinées dans la culture locale. Qu’elle soit grillée, frite, fourrée de fromage, d’œuf ou de viande, chaque région y met sa touche, transformant cette galette de maïs (ou de manioc, de riz, voire de blé) en une véritable signature culinaire. Derrière chaque arepa, il y a une histoire, une famille, un terroir. Cet article t’emmène à la découverte de cette tradition vivante, où chaque bouchée est un voyage à travers les paysages et les goûts de la Colombie.

Voyage aux origines d’un trésor culinaire d’Amérique latine
Plat emblématique de la Colombie et du Venezuela, l’arepa est bien plus qu’un simple disque de maïs grillé. Derrière sa simplicité apparente se cache une histoire millénaire, tissée de traditions indigènes, d’évolution culturelle et d’un profond sentiment d’identité. Plongeons dans les racines de ce mets devenu universel.
Une origine préhispanique ancrée dans le maïs
L’histoire de l’arepa commence bien avant la naissance des nations sud-américaines. Elle remonte à l’époque précolombienne, lorsque les peuples indigènes, notamment les Cumanagotos, les Timoto-Cuicas ou les Muiscas, cultivaient le maïs, leur principale source d’alimentation. Ce grain sacré, pilier de la culture alimentaire des Amériques, était traité de manière artisanale : bouilli, moulu à la main puis façonné en galettes et cuit sur des pierres plates appelées budare.
Le terme arepa viendrait probablement du mot erepa, qui signifiait « maïs » dans la langue des Cumanagotos, un peuple ayant habité l’actuelle région d’Anzoátegui, au Venezuela. Cette racine linguistique témoigne d’un lien fort entre le produit et les civilisations autochtones. Ce qui fait de l’arepa un pain de maïs.
L’arrivée des colons espagnols a apporté son lot de transformations à la préparation de l’arepa. Bien que le maïs soit resté l’ingrédient central, les Espagnols ont introduit de nouveaux ingrédients et des techniques de cuisson inédites. C’est ainsi que sont apparues les premières garnitures, et que l’arepa a commencé à être cuite non seulement sur des pierres ou plaques traditionnelles, mais aussi dans des fours métalliques importés ou adaptés.
Au fil du XXe siècle, l’arepa s’est imposée comme un aliment incontournable dans toutes les régions de Colombie. Chaque zone géographique a peu à peu développé sa propre version, influencée par les produits locaux, les climats et les traditions culinaires régionales. Le résultat ? Une mosaïque de recettes, de textures et de goûts : l’arepa colombienne se décline aujourd’hui en une grande diversité de formes et de saveurs, chacune portant l’identité de son territoire d’origine.
Colombie vs Venezuela : un plat partagé entre deux nations
L’arepa est aujourd’hui un point commun gastronomique entre deux pays frères : la Colombie et le Venezuela. Si chacun revendique une relation intime et affective avec ce mets, les chercheurs et chefs s’accordent à dire que son origine précède toute frontière géopolitique.
Comme le souligne Carlos Gaviria Arbeláez, chef colombien et auteur du livre Arepas colombianas :
« L’arepa n’a ni passeport ni carte d’identité. C’est un produit natif des Amériques. »
De son côté, l’écrivain vénézuélien Ricardo Estrada Cuevas, dans son ouvrage Arepólogo, rappelle que l’arepa date d’environ 900 ans, soit bien avant la création des États modernes. Elle appartenait donc à un territoire partagé, géographique et culturel.
Si l’arepa est un aliment commun, son rôle diffère dans les habitudes culinaires des deux pays. Bien que les arepas colombiennes et vénézuéliennes partagent une origine commune à base de maïs, elles ont évolué de manière distincte selon les traditions de chaque pays.
En Venezuela, l’arepa est généralement épaisse, puis ouverte et farcie d’une grande variété d’ingrédients – viandes, légumes, fromages, sauces – et constitue souvent un plat principal.
En revanche, en Colombie, l’arepa est plus fine et, dans de nombreuses régions, elle est dégustée nature, ou simplement accompagnée de fromage, beurre ou œuf, en tant qu’accompagnement, un peu comme le pain dans d’autres cultures.
Cette différence d’usage a donné naissance à une grande diversité de recettes et de méthodes de préparation dans les deux pays, chacune reflétant les habitudes alimentaires et les valeurs culinaires locales.
Mais les arepas vénézuéliennes sont aussi consommées en Colombie, et vice-versa.
Les Colombiens et les arepas aujourd’hui
Un foyer colombien consommerait en moyenne plus de 900 arepas par an, soit environ 77 par mois – preuve de la place centrale qu’occupe cette galette dans le quotidien culinaire du pays.
Depuis 2013, chaque deuxième samedi de septembre a été choisi comme Journée mondiale de l’Arepa. Une enquête récente révèle que 67% des Colombiens considèrent l’arepa comme indispensable dans leur régime quotidien.
Cette Journée mondiale ne s’est donc pas contentée de célébrer un plat traditionnel, elle a aussi mis en lumière le rayonnement croissant de l’arepa dans la gastronomie mondiale, désormais ambassadrice à part entière des saveurs colombiennes.
Avec l’émigration massive de Vénézuéliens et de Colombiens à travers le monde, l’arepa a conquis les rues de Madrid, de New York, de Santiago ou de Paris. Elle est devenue un ambassadeur culturel, capable d’éveiller la nostalgie des expatriés tout en séduisant les curieux de nouvelles saveurs.
Dans le film Encanto de Disney, qui célèbre la culture colombienne, l’arepa est même présentée comme un aliment « aux pouvoirs de guérison », incarnant le réconfort familial et la chaleur du foyer.
La cheffe Carmen Ángel, restauratrice à Carthagène et Medellín, résume bien cette dimension :
« L’arepa est un aliment que presque tous les Colombiens mangent au quotidien, quels que soient leur statut, leur religion ou leur lieu de vie. »

Variétés régionales de Colombie
On compte environ 75 variétés d’arepas rien qu’en Colombie, chaque région y apportant sa propre touche ! Cependant, le goût des arepas colombiennes peut beaucoup changer selon la région où tu te trouves, car les ingrédients et les façons de les préparer varient énormément. Résultat : des arepas très différentes d’un coin à l’autre du pays.
C’est pour ça qu’on te propose ici une sélection de 9 arepas parmi les plus emblématiques et traditionnelles de la Colombie.
Arepa de queso
Typique des régions andines et de la côte caraïbe, l’arepa de queso est moelleuse, souvent légèrement sucrée, et généreusement garnie de fromage blanc fondant. Elle se prépare généralement avec du maïs blanc ou jaune, parfois mélangé à du lait pour une texture plus tendre. Le fromage peut être intégré directement à la pâte ou glissé au centre. Servie chaude, elle offre ce contraste irrésistible entre croûte dorée et cœur fondant. Elle est très appréciée au petit-déjeuner, accompagnée d’un café colombien ou d’un chocolat chaud.
Arepa paisa
Dans la région d’Antioquia (Medellín et environs), l’arepa paisa est omniprésente. Fine, ronde et sans garniture intégrée, elle accompagne presque tous les repas, un peu comme du pain. Elle est faite avec du maïs blanc moulu et se consomme généralement grillée ou toastée, avec une noisette de beurre ou du fromage râpé par-dessus. Ce n’est pas une arepa spectaculaire, mais sa simplicité met en avant le goût du maïs, et elle incarne la convivialité quotidienne des familles antioqueñas. Dans un plat typique comme la bandeja paisa, elle a sa place assurée.
Arepa rellena
L’arepa rellena est le fruit de la modernité et de la créativité culinaire. Elle se présente comme une arepa épaisse fendue en deux, puis farcie d’une multitude d’ingrédients : viande effilochée, poulet, saucisses, légumes sautés, sauces maison, œuf, avocat… C’est une véritable bombe gourmande, qui peut rappeler un sandwich ou un kebab, mais avec le goût unique de l’arepa comme base. Très populaire dans la street food nocturne, elle incarne la diversité et le dynamisme culinaire de la Colombie moderne.
Arepa de huevo
Originaire de Cartagena, Barranquilla et de toute la région caraïbe, l’arepa de huevo est une spécialité de rue incontournable. Sa préparation est technique : une arepa fine est frite une première fois pour créer une enveloppe gonflée, ensuite une ouverture est faite pour y verser un œuf cru, puis elle est à nouveau frite. Résultat ? Une arepa croustillante à l’extérieur, avec un jaune d’œuf encore coulant à l’intérieur. On y ajoute parfois de la viande hachée épicée pour une version encore plus gourmande. C’est un encas populaire, souvent dégusté en fin de journée ou lors des fêtes locales.
Arepa boyacense
L’arepa boyacense, venue des hauts plateaux de Boyacá, est l’une des plus reconnaissables. Plus petite et plus épaisse, elle combine farine de maïs jaune, fromage frais (souvent cuajada), beurre, sucre et parfois même de l’anis. Elle est cuite au four ou sur une plaque, ce qui lui donne une texture moelleuse à l’intérieur et légèrement croquante à l’extérieur. Elle dégage un parfum doux et chaleureux, parfait pour les climats froids de la région andine. On la consomme souvent en collation ou au petit-déjeuner, avec du chocolat chaud.
Arepa de choclo
L’arepa de choclo (ou arepa de chócolo) est une variété très appréciée pour son goût naturellement sucré. Elle est préparée à partir de choclo, c’est-à-dire du maïs tendre (jeune), souvent moulu frais pour conserver toute sa douceur. On la cuit généralement à la poêle avec un peu de beurre, et on y glisse presque toujours une généreuse tranche de fromage frais fondant au centre ou par-dessus. Elle est très populaire dans les régions andines (comme Cundinamarca, Tolima ou Boyacá).
Arepa de maíz pelado
L’arepa de maíz pelado est l’une des plus anciennes et des plus artisanales de Colombie. Elle est préparée à partir de grains de maïs entiers, généralement blancs, qui sont pelados (épluchés) à la manière traditionnelle : bouillis avec de la cendre ou de la chaux pour retirer leur enveloppe. Ce processus, appelé nixtamalisation, intensifie la saveur du maïs et lui donne une texture unique, légèrement granuleuse. Une fois le maïs pelé, il est lavé, moulu, puis transformé en pâte. Elles sont particulièrement répandues dans la région de Santander.
Arepa de yuca
L’arepa de yuca (ou manioc) est une délicieuse alternative aux arepas de maïs, typique de plusieurs régions tropicales de Colombie, notamment la côte caraïbe et certaines zones amazoniennes. Préparée à partir de yuca râpée ou bouillie puis écrasée, cette arepa se distingue par sa texture fondante, légèrement élastique, et son goût doux et terreux. Souvent, on y ajoute du fromage frais pour un contraste salé et crémeux, parfois même du beurre ou un peu de sucre selon les goûts locaux.
Arepa ocañera
Les saveurs du Norte de Santander ont vu naître l’arepa ocañera, spécialité emblématique de la région d’Ocaña. Préparée à base de maïs blanc et d’eau, cette arepa se distingue par sa finesse extrême et sa particularité unique : elle gonfle légèrement à la cuisson, créant une texture légère et souple. Généralement de grande taille, elle est servie avec une variété de garnitures, allant de l’avocat au fromage frais, en passant par diverses protéines locales, ce qui en fait un plat à la fois simple et généreux, profondément enraciné dans la tradition culinaire ocañera.

Recette : arepas con queso (arepas au fromage)
Envie de faire par toi-même un grand classique de la gastronomie colombienne ? Apprend à cuisiner les arepas con queso, la version qui est peut-être la plus populaire en Colombie !
Difficulté : facile
Temps de préparation : 20 minutes
Temps de cuisson : 20 minutes
Ingrédients (pour 16 arepas)
- 500g de farine de maïs blanche précuite (comme la farine PAN, trouvable dans toute épicerie latina)
- 15g de sel
- 10g de sucre
- 30g de beurre
- 75cl d’eau
- 300g de fromage râpé (type mozzarella)
Préparation
Dans un saladier, mélange la farine, le sel, le sucre et le beurre préalablement fondu légèrement. Fais chauffer l’eau sans la porter à ébullition, puis verse-la sur la préparation. Mélange bien à l’aide d’une spatule jusqu’à obtention d’une pâte homogène. Ajoute ensuite la mozzarella râpée et pétris la pâte pendant 2 à 3 minutes.
Façonne les arepas à la main : elles doivent mesurer environ 10 cm de diamètre pour 1 cm d’épaisseur. Concernant la cuisson, il y a 2 possibilités. Soit en friture avec de l’huile de colza ou tournesol, soit grillée (asada en espagnol), à la poêle ou un gril avec un peu de beurre. Dans les 2 cas, il faudra laisser chaque côté dorer (environ 5min par côté), en veillant à ne pas les bruler.
Et voilà, c’est prêt ! Il ne te reste plus qu’à te régaler. Les arepas se dégustent à tout moment de la journée : au petit-déjeuner, en en-cas ou même pour un dîner léger.
Astuce : une fois l’arepa cuite et chaude, et si tu es gourmand, tu peux aussi mettre une tranche de fromage par-dessus pour plus de plaisir (ou ouvrir l’arepa en et la garnir d’une tranche de fromage, puis 1-2 minute à la poêle pour que le fromage soit chaud et fondu) !
Les arepas se congèlent parfaitement, alors n’hésite pas à en préparer en grande quantité pour en avoir sous la main les mois suivants (à condition d’avoir un peu de place dans le congélateur !). Petite astuce : glisse une feuille de papier cuisson entre chaque arepa pour éviter qu’elles ne collent entre elles — cela t’évitera de les abîmer ou de les casser.




